Pourquoi nous avons tous besoin de réguler nos émotions

Pourquoi nous avons tous besoin de réguler nos émotions


En tant que directeur du Yale Center for Emotional Intelligence, j’ai récemment averti que nous étions confrontés à une épidémie de réaction excessive. La réponse à mon avertissement a été, comme on pouvait s’y attendre, extrême.

Des milliers de personnes m’ont envoyé des messages et des commentaires sur les réseaux sociaux. Beaucoup m’ont accusé d’être sourd. Certains ont soutenu que je demandais aux gens de « se calmer » pendant que le fascisme monte.

« Imaginez les niveaux de privilèges qu’il faut pour faire croire aux gens qu’ils réagissent de manière excessive », a déclaré un critique. D’autres ont pris la direction opposée, insistant sur le fait que notre état de panique constant n’est pas durable.

Comme l’a dit une personne : « Vous ne pouvez pas vous battre pour ce qui est juste si vous êtes tellement décimé émotionnellement que vous vivez votre quotidien en mode combat ou fuite. »

Un autre a répliqué : « Nous ne réagissons pas de manière excessive, nous réagissons de manière insuffisante. »

Toutes ces perspectives sont vraies. Et leur passion montre pourquoi nous avons besoin d’une conversation plus profonde et plus claire sur ce qu’est la régulation des émotions – et, tout aussi important, sur ce qu’elle ne l’est pas. Soyons très clairs : la colère n’est pas en soi une mauvaise chose. Mais la solution à l’épidémie de réaction excessive réside dans la régulation des émotions, qui sera d’une importance vitale pour relever les défis mondiaux à venir.

La régulation des émotions est un ensemble de compétences intentionnelles et acquises pour gérer judicieusement les sentiments. Il s’agit essentiellement de choisir des réponses qui reflètent nos objectifs et nos valeurs. Cela peut inclure de se calmer avant une réunion, de recadrer une pensée négative ou d’exprimer sa frustration de manière constructive avec un être cher. Mais quelle que soit l’émotion, la régulation émotionnelle nous maintient aux commandes

Pourquoi la réglementation est mal comprise

Le mot « réaction excessive » peut être un paratonnerre. Pour beaucoup, cela signifie un rejet : comme si je disais : « Votre peur est invalide » ou « Votre indignation est excessive ». Ce n’est pas mon message. Les émotions ne sont pas le problème. La peur, la colère, le chagrin : toutes ces réponses sont humaines et appropriées aux crises réelles.

Le problème est ce qui se passe lorsque nos émotions ne sont pas maîtrisées. Nous nous déchaînons contre nos proches, faisons défiler la catastrophe jusqu’à 2 heures du matin ou nous paralysons de désespoir. Au fil du temps, notre système nerveux reste bloqué dans une phase de combat ou de fuite. Nous nous épuisons avant de pouvoir agir de manière significative.

C’est pourquoi la régulation des émotions est si souvent mal comprise. Beaucoup de gens entendent « réglementer » et pensent « supprimer ». Ils imaginent une sorte de police des émotions nous disant ce que nous pouvons ou ne pouvons pas ressentir, ou ce que nous devrions ou ne devrions pas faire. Mais ce n’est pas ça. La régulation des émotions est une question de choix. Il s’agit de décider comment utiliser judicieusement nos émotions afin qu’elles alimentent l’action plutôt que de la détourner.

La colère n’est pas l’ennemie

La régulation des émotions ne devrait jamais signifier faire taire la colère. La colère n’est pas un problème à éliminer : c’est une donnée cruciale qui nous indique que nous pensons que quelque chose d’injuste s’est produit. L’indignation nous dit que notre code moral est violé. Ce ne sont pas des sentiments à ignorer. Ce sont des signaux.

Le problème est qu’une colère dérégulée peut devenir destructrice, tant sur le plan personnel que collectif. J’ai passé des décennies à étudier et à enseigner la régulation des émotions, et j’ai appris que la colère sans direction est comme une traînée de poudre. Il brûle chaudement et rapidement, puis ne laisse que des cendres. Avec la régulation des émotions, cette même colère devient une flamme constante, une force qui réchauffe, guide et perdure.

Les leaders des droits civiques n’ont pas réussi parce qu’ils manquaient de rage ; ils ont réussi parce qu’ils ont appris à le canaliser sans se laisser consumer. C’est la différence entre la fureur qui brûle tout et la colère qui alimente la justice.

La régulation des émotions est une force, pas une faiblesse

Une autre idée fausse est que la réglementation vous affaiblit et que si vous faites une pause avant de réagir, vous perdez votre avantage. Certains ont laissé entendre que mon appel à la réglementation était un appel au « calme » face à l’injustice, une recette pour la complaisance. Mais la réglementation n’est pas une question de conformité. C’est une question de pouvoir.

Considérez ceci : s’en prendre à un ami ou à un collègue parce que vous êtes dépassé peut sembler cathartique sur le moment, mais cela peut éroder la confiance. Faire une pause assez longtemps pour exprimer sa colère avec clarté au lieu d’être aveugle et furieux ? Ce n’est pas une faiblesse. C’est ça la force.

Les chercheurs étudient les effets de la régulation des émotions depuis des décennies. Les personnes qui réglementent efficacement sont plus probable réfléchir clairement aux solutions et entretenir les relations qui rendent l’action collective possible. Loin d’être un jeu d’enfant, les individus réglementés sont plus probable être efficace pour se lever, s’exprimer et persister.

À quoi ressemble la régulation émotionnelle en pratique

Alors, à quoi ressemble réellement une régulation saine ? Il ne s’agit pas simplement de « respirer et de l’ignorer ». Il s’agit d’un ensemble de compétences concrètes et scientifiques :

  • Nommez-le. Étiqueter avec précision les émotions (peur, colère, désespoir) nous aide à cibler nos réponses. La colère peut alimenter la protestation. Le deuil peut nous amener à rechercher la solidarité.
  • Changez, ne supprimez pas. Recadrer la façon dont nous voyons une situation peut transformer « c’est sans espoir » en « c’est un appel à s’organiser ».
  • Ancrez avant d’agir. Une pause pour respirer n’est pas un évitement. Il s’agit de garantir que votre système nerveux est suffisamment stable pour agir avec clarté plutôt qu’avec témérité.
  • Choisissez le renouvellement. Le repos, la joie et la connexion ne sont pas une évasion. C’est grâce à eux que nous résistons à l’épuisement professionnel afin de pouvoir continuer à être présents demain, l’année prochaine et sur le long terme.

Sans ces compétences, l’indignation peut dégénérer en paralysie ou en agression déplacée. Avec eux, l’indignation devient le carburant d’une action durable et judicieuse.

Et surtout, nous ne réglementons presque jamais seuls. Notre système nerveux est perméable. Nous captons les émotions les uns des autres. Nous façonnons les états des uns et des autres tout au long de la journée. Ce processus est appelé « corégulation ».

Pensez à l’enseignant qui calme un enfant nerveux avant un examen, au collègue qui stabilise un collègue paniqué pendant une crise ou à l’ami qui écoute avec empathie au lieu de jugement. Ces petits actes ne sont pas petits. Ils sont le tissu de la résilience.

Bien entendu, la corégulation peut aussi mal tourner. Rejeter, humilier ou intensifier les sentiments de quelqu’un d’autre est une forme de malsain co-régulation. Mais lorsque nous co-régulons avec chaleur, empathie et respect, nous nous prêtons littéralement notre stabilité les uns aux autres. C’est pourquoi les mouvements ne perdurent que lorsque les gens créent des microclimats de sécurité et de confiance. L’indignation ne suffit pas à elle seule à maintenir un mouvement en vie ; les communautés co-régulées le font.

Pour cette raison, la réglementation ne signifie jamais faire taire les voix marginalisées, excuser l’injustice ou encourager l’apathie. La régulation n’est pas la résignation. C’est ce qui nous permet de continuer quand le combat est long.

Nous avons besoin non seulement de compétences personnelles, mais aussi de soutiens culturels et structurels : des écoles qui enseignent l’intelligence émotionnelle, des lieux de travail qui valorisent la santé mentale et des plateformes médiatiques qui arrêtent de monétiser l’indignation.

Un appel à agir – avec force et non avec épuisement

Nous vivons une époque terrifiante. L’autoritarisme est en hausse. Les droits sont érodés. Les catastrophes climatiques sont de plus en plus fréquentes. Personne ne nous suggère de détourner le regard. Mais soyons honnêtes : vivre dans une panique constante ne nous sauvera pas.

La régulation des émotions nous permet de transformer la peur en courage, l’indignation en justice et le chagrin en solidarité. Cela ne nous dit pas d’ignorer les crises. Cela nous permet d’y faire face sans nous perdre – ni nous perdre les uns les autres – dans le processus.

Alors la prochaine fois que vous aurez envie de paniquer, ne faites pas taire ce sentiment. Nommez-le. Ancrez-le. Partagez-le avec quelqu’un qui peut co-réguler avec vous. Alors utilisez-le.

Parce que le monde n’a pas besoin de moins de passion. Il faut une passion qui dure.

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